pas à pas, partie 2

Cette visite à la maison familiale lança le départ en campagne de l'artillerie lourde.

Même si nous options pour une formule très simplifiée de la cérémonie, il fallait penser à tout un tas de détails coutumiers, financiers, calendriers, administratifs...

Je suppose qu'un mariage, c'est un peu le même principe dans n'importe quel endroit. Mais je reconnaissais bien le côté cérémonieux bourré de petites obligations dont la signification échappait souvent à ses propres acteurs. Il y a parfois un côté désabusant dans tout ça. le principe en est simple : je rentre dans un processus qui me dépasse. Il n'est pas violent, il est presque lisse, il est presque doux. Mais mon cœur et mon esprit se soulèvent contre lui, il me regarde avec bienveillance, attend que je revienne au calme, et me fait rentrer dans sa machinerie sans qu'on n'en parle plus.

Est-ce la même chose en France après tout ?

Un collègue marié à une japonaise m'a expliqué s'être marié en France mais avoir vécu une cérémonie contre sa volonté en quelque sorte. En effet, lui et sa femme voulait simplement marquer le coup au restaurant, faire une petite fête. Mais son père a rameuté toute la famille et organisé une "vraie" cérémonie. il m'a dit s'être retrouvé au milieu de quelque chose qui ne lui ressemblait pas, qu'il n'avait pas voulu, mais qu'il faisait pour sa famille, saluant des gens dont il n'avait aucun souvenir et qu'il avait l'impression de rencontrer pour la première fois.

Ici, cela semble être la mise en scène habituelle.

Il nous fallait faire simple mais en tenant compte de tout le monde. Et j'eus le mauvais esprit de penser qu'il nous fallait aussi absolument dépenser de l'argent. Non, c'est différent. Il fallait en fait que les parents de ma femme dépensent pour la cérémonie de leur fille. Méfiant, j'étais au départ contre le principe. mais je ne comprenais pas la signification du geste. Il ne le faisait pas pour nous ou pour une raison obscure, ils le faisaient pour leur fille. Ils avaient surement économisé une réserve d'argent pour ça. Après tout, pourquoi dépenser tant d'argent ? J'ai connu un couple franco-japonais, très libéral il est vrai, qui a fait sa cérémonie dans un grand parc de Tokyo. Finalement, avec le beau temps, ça avait vraiment de l'allure. Des proches ont fait de petits discours, les mariés étaient habillés de blanc, tout le monde avait sincèrement l'air de s'amuser. Mais ce genre de cérémonie n'est pas facile à faire avaler aux familles j'imagine.

Bref, on me demanda toujours mon avis mais si j'avais suivi mon instinct, nous n'aurions rien fait. Je laissai donc la main à ma femme qui décida de chaque détail en me consultant. Mes seules intransigeances étaient simples : pas de chapelle, pas de faux prêtre, pas d'hôtel pompeux, pas de kitch.

Un jour nous sommes partis en visite de deux endroits que nous avions repérés. Un se trouvait à Harajuku, quasiment en bordure de la Takeshita dori. C'est le genre d'endroit où il faut aller dans un état d'esprit particulier d'ouverture, ou peut-être vaut-il mieux boire un peu avant. Il s'agissait d'une démonstration de mariage avec deux pantins models plastiquement beaux mais avec un air pas du tout sympathique. Je me dis à ce moment-là qu'il ne fallait pas avoir l'air heureux pour se marier...C'était une sorte de journée porte ouverte et de nombreux couples étaient présents. alors que nous pénétrions dans l'entrée, un type maquillé se mit à jouer de l'accordéon, une véritable horreur. Puis nous dégustâmes un verre de punch avant d'assister à la partie cérémonielle à proprement parler. La musique de l'orgue, le visage grave des autres couples, la chanteuse d’opérette, la fausseté ambiante; tout ceci me mit profondément mal à l'aise. Étant très incompétent en matière de tatemae, je devais transpirer mon malaise et le laisser apparaitre sur ma face. A tel point que le couple à côté paraissait gêné pour moi et je voyais déjà que ma femme prenait sur elle pour ne pas me demander de sortir. la conseillère finit de nous exposer le contenu de la cérémonie et le montant. ce n'était pas très cher pour une prestation de mariage. Je pense que c'est le genre d'endroit qui convient aux couples peu fortunés. C'est un mal pour un bien qui permet de faire une cérémonie sans se ruiner. En sortant de là, nous atterrîmes en plein quartier jeune de Harajuku. ma femme faisait la gueule et je savais bien pourquoi. je lui expliquai simplement que je n'avais pu retenir mon sentiment et faire en sorte de ne pas le laisser apparaitre.

Nous choisirions un endroit plus "naturel".