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ça fait plus de cinq ans que je vis à Tokyo.

je ne peux faire de conclusion précise à ce fait.

Mais il me semble vivre la fin d'un second cycle.

Le premier cycle s'est achevé au bout de deux ans.

pendant mes deux premières années ici j'ai vécu dans la découverte, photographiant le moindre truc atypique. je me concentrai sur l'étude du japonais, le matin, dans mon vieil appartement terriblement froid en hiver et terriblement chaud en été. Je n'étais pas un ascète mais presque. je voyais peu à peu les choses qui me plaisaient et celles qui ne me plaisaient pas au Japon. Mais comme je ne maitrisait absolument pas la langue et que je ne connaissait que très mal les japonais, que je n'avais pas de vrais amis japonais, j'étais mu par une motivation plus forte que les petits coup de blues, et plein d'espoir d'aller toujours vers quelque chose de plus puissant.

Quand ce premier cycle a pris fin, je pouvais communiquer en japonais, j'avais quelques amis mais pas encore de vrais amis. J'avais les moyens de sortir et je vivais dans un quartier sympa et populaire chez les trentenaires. Je commençais à percer dans mon boulot et à sentir une vraie volonté de m'intégrer un peu plus ici.

J'ai d'ailleurs rencontré une fille à ce moment-là, une espagnole que m'avait présenté un de mes colocs en soirée dans un bar de Sancha. C'est marrant d'y repenser. je n'avais absolument pas envie d'y aller après une journée de boulot tardive. Mais pour faire plaisir à mon colocataire qui voulait certainement offrir une compagnie anglophone à Raquel, j'y suis allé. Elle devait rentrer trois jours plus tard. Un de ces petits instants magiques s'est passé dès les premiers regards. Nous nous sommes revue deux jours plus tard à Shibuya, avons échoué ivres dans un love hôtel, et je l'ai raccompagnée à l'aéroport de Narita le lendemain. Nous nous sommes contactés régulièrement et je suis aller la retrouver à Madrid durant les vacances de fin d'année. Nous avons fêté le premier de l'an ensemble, et nous sommes promis de nous revoir. Elle est effectivement revenue avec un visa étudiant 3 mois plus tard. Mais ce fut moins romantique qu'à nos débuts. je me rends compte aujourd’hui à quel point j'ai été égoïste et peu ouvert. J'avais l'impression de faire un bond en arrière, me retrouvant dans les fêtes de guest house, en marge du pays. Et puis, n'investissant pas la force nécessaire au développement d'une relation intéressante, elle a fini par me dire qu'elle voulait seulement être mon amie dorénavant, au téléphone. J'étais très triste sur le coup mais je l'ai vite oubliée, me disant que je pourrais dorénavant trouver l'amour avec une japonaise.

Et puis s'est installée une forme de routine, toujours dans un milieu plein de promesses. J'avais la sensation d'être chez moi. ce quartier était le mien. J'allais au boulot en bus. 20 minutes de mon appartement au bureau. Je connaissais les moindres ruelles de mon quartier, j'avais mon vendeur de poulet attitré, mon izakaya préféré et mes points de rendez-vous. J'étais invité à des soirées chez les gens. J'étais libre et je savais au fond que je voulais vivre ici. Et là, le temps s'est mis à défiler avec une vitesse enivrante.

Et puis un samedi soir, je suis sorti dans un pub de Shibuya. Une canadienne s'est approchée de moi et nous nous sommes embrassés devant une devanture de ce quartier. La vérité, c'est que je n'accordais pas plus d'importance à cette fille qu'elle ne m'en accordait. C'était juste du fun. Mais je crois que ce fut l'élément déclencheur d'une vaste remise en question de ce que j'étais ici et des compromis que je devais faire avec moi-même pour y vivre. Un jour, un ami français m'a dit "Au Japon, il faut savoir s'oublier". cette réflexion qui m'était un peu passée à côté sur le moment prenait tout sons sens. mais désormais j'en mesurais toute la clarté. Quel rapport avec la fille du bar ? Presque aucun, si ce n'est l'intime sensation de fluidité dans le rapport à l'autre, fluide évaporé dans la vie tokyoite.

De là les réflexions se sont enchainées à un rythme déconcertant.

Et les questions que je me posais à moi-même aussi. Quel avenir pour moi ici ? Ai-je vraiment envie de continuer à vivre ici ? Je prétends parfois aimer le Japon et je le dis sincèrement autour d'un verre et entouré de chaleureusement. Mais qu'entend-je par là ? Ce n'est plus le pays de la découverte mais celui où j'ai posé l'encre. Et plus le temps passe, plus je franchis les étapes de la vie, plus il sera difficile de relever l'encre. Est-ce ici le dernier endroit où je dois définitivement poser mes valises? C'est ça la crise de la trentaine ?

J'aime encore être ici. Mais cet amour est brouillé par un sentiment confus. J'avance toujours mais la magie est passée et je dois trouver un nouveau cap pour que mon étoile continue de briller.

C'est le début du troisième cycle.

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